Professeure normalienne et agrégée donne cours particuliers de philosophie à Paris, en Seine-et-Marne et en visio.

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• Depuis quand développez­-vous un intérêt pour votre discipline et pour les cours particuliers ?

  J'ai découvert la philosophie à 16 ans, en lisant Le Monde de Sophie de Jostein Gaarder, et je suis immédiatement tombée amoureuse de la discipline. J'ai réalisé à cette occasion que nombre des interrogations qui s'étaient déjà présentées à moi n'étaitent pas seulement « mon problème », qu'elles avaient quelque chose d'intemporel et d'universel, et que de grands esprits avaient consacré des milliers de pages à les explorer.
  
  Quant aux cours particuliers, à 13 ans, je savais déjà que je voulais devenir enseignante. Apprendre des choses nouvelles et parfaire mes connaissances a toujours été pour moi un plaisir, mais sans commune mesure avec celui que me procure le partage de ces connaissances avec d'autres esprits curieux. L'avantage des cours particuliers est qu'ils offrent une configuration pédagogique optimale : quand on a un seul élève en face de soi, on a la possibilité de s'adapter à lui et de le faire progresser beaucoup plus efficacement que quand on doit gérer une classe de trente-cinq élèves avec des profils très différents.

• Dites-nous-en davantage sur la matière enseignée, sur les thèmes que vous appréciez aborder avec les élèves (et éventuellement ceux qui vous plaisent un peu moins) !

  Ce que j'aime par-dessus tout aborder avec les élèves, ce sont les interrogations. Je construis toujours mes cours autour de grandes questions philosophiques, parce qu'elles permettent de déployer les problèmes dans toutes leurs ramifications, avant d'aborder ce que les auteurs ont pu dire sur tel ou tel sujet. Ces premiers moments où l'on pose ensemble la question, où on la creuse jusqu'à s'apercevoir qu'elle ouvre un boulevard de réflexions stimulantes, sont ceux que je trouve les plus gratifiants dans l'enseignement de ma discipline.

• Parlez-nous de vos modèles, que ce soit un professeur qui vous a marqué ou encore une oeuvre qui vous a inspiré !

  Je dois beaucoup à mon professeur de philosophie de terminale, qui avait le don de faire vivre ses cours. Il s'animait tellement que sa passion pour sa matière et pour la transmission était aussi évidente que contagieuse. Et quand il abordait les doctrines des philosophes, il ne se contentait pas de les exposer : il les incarnait. Il devenait Nietzsche, et l'instant suivant, il parlait comme Descartes. Aujourd'hui encore, il est l'un de mes modèles.
  
  En ce qui concerne les œuvres, la liste serait infinie. Mais si je dois distinguer un auteur qui a changé ma vie, c'est assurément Albert Camus. J'ai découvert Le Mythe de Sisyphe en terminale, et j'ai été frappée par sa capacité à aborder des problèmes philosophiques difficiles tout en écrivant d'une manière qui parle à tout le monde sans pour autant sacrifier le souci de rigueur intellectuelle. Ce n'est donc pas par hasard que je suis devenue spécialiste de son œuvre.

• Quelles sont, selon vous, les qualités requises pour être un bon expert dans votre domaine ?

  L'ouverture d'esprit et la capacité à se remettre en question sont indispensables pour pratiquer la philosophie en évitant l'écueil du dogmatisme. Pour enseigner cette discipline, la pédagogie est évidemment fondamentale, tout comme l'écoute et la faculté d'adaptation : on aborde des concepts difficiles et des doctrines parfois un peu obscures, qui peuvent facilement décourager les novices si on ne prend pas la peine de les y introduire par une voie qui leur est un peu familière.

• Une anecdote en rapport avec votre métier ou votre scolarité à nous raconter ?

  Justement : lorsque j'ai commencé à enseigner au lycée, je me suis aperçue que pendant mon cours, les élèves ne cessaient de mentionner des exemples tirés de films et de séries qu'ils avaient visionnés sur la plateforme Netflix. J'ai donc décidé de m'y abonner à mon tour, ce qui m'a permis de trouver mille manières de faire des ponts entre ce qu'ils regardent quotidiennement et ce que nous étudions en classe. Par exemple, je suis partie d'un épisode de la série The Good Place mettant en scène le dilemme du tramway pour ensuite introduire l'utilitarisme et la distinction classique en philosophie morale entre déontologisme et conséquentialisme. Pour un autre cours, nous avons discuté de la série Lucifer, qui pose la question de la culpabilité et de la vie après la mort, pour mener une réflexion sur la conscience morale où Netflix a ainsi côtoyé Dostoïevski, Hugo, Camus et Rousseau. Je trouve l'attitude consistant à dire que la jeunesse d'aujourd'hui se perd parce qu'elle « s'abrutirait » devant Netflix au lieu de lire des livres non seulement fausse, mais totalement contre-productive. S'il y a bien une chose que la philosophie apprend et permet, c'est que rien, dans le monde qui nous entoure, n'est indigne d'être observé, apprécié et questionné. Je remarque d'ailleurs que depuis que j'entame la réflexion en abordant quelque chose que les élèves connaissent et apprécient, ils ont plus de facilité à comprendre les philosophes qu'ils lisent. Car au lieu de les voir comme les pourvoyeurs d'un savoir trop complexe pour eux, ils se disent qu'il peuvent retrouver chez ces auteurs, des questionnements et des réflexions qu'ils ont déjà eus ou déjà observés dans d'autres œuvres.

• Vous pouvez maintenant nous rassurer et nous avouer que vous aussi, vous avez déjà connu des difficultés à l'école…

  Je n'ai jamais eu de bonnes notes en mathématiques, et j'ai donc longtemps cru que j'étais trop bête pour faire des mathématiques. Plus tard, je me suis aperçue que c'est la manière dont cette matière m'avait été enseignée qui ne me correspondait pas. Je passais mon temps à demander « pourquoi ? », « pourquoi ce théorème ? Comment a-t-il était forgé ? À quoi servait-il à l'origine ? », et mes professeurs me répondaient, agacés : « Il n'y a rien à comprendre : on te demande juste d'appliquer ! », chose dont j'étais incapable. Le résultat, c'est que j'ai fait de ce besoin de comprendre une carrière, en devenant professeure de philosophie, une discipline où la question « pourquoi ? » n'est jamais jugée superflue. Cela dit, il n'est jamais trop tard pour évoluer : j'ai repris les mathématiques à l'âge adulte, aidée par des professeurs qui ne demandaient qu'à répondre à mes questions, et je me suis aperçue que les mathématiques étaient en réalité tout à fait à ma portée, et passionnantes. Comme quoi : la fameuse « bosse des mathématiques », qu'on aurait ou qu'on n'aurait pas, est bel et bien un mythe.

• Aidez-nous à vous connaître un peu mieux en évoquant vos passions (que vous partagerez peut-être un jour via Superprof).

  J'adore lire, écrire (je suis écrivaine en parallèle de mon métier d'enseignante), mais aussi le cinéma, la musique (je joue du piano), et la cuisine (j'adore cuisiner pour mes proches).

• Qu'est-ce qui fait de vous un Superprof (en plus d'avoir répondu à cette interview :-P)

  Je ne sais pas si je suis une super prof, mais j'essaye d'être la meilleure enseignante possible en respectant l'individualité de chacun de mes élèves et en tâchant de mettre ma passion pour la transmission à leur service. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'organise des ateliers philosophiques pour des publics n'ayant pas accès à la philosophie : elle m'a tant apporté, dans ma construction intellectuelle et personnelle, que j'estime que nul ne devrait en être privé.